La CUA en contexte d’enseignement individualisé

La CUA en contexte d’enseignement individualisé

Avant, il y avait la norme, puis ceux qui étaient différents. Maintenant, ils sont tous différents tout en ayant des similitudes.

 

Regardez votre classe. Regardez vos élèves. Tous ont leur histoire, leur parcours, leur motivation à réussir. Bien que la FGA est un passage pour nos adultes, ils ont tous un point commun; celui de ne pas avoir réussi au premier coup. Échecs, rejets, immigration, problèmes de santé physique ou mentale, troubles d’apprentissage, autant de causes internes ou externes qui font qu’ils n’ont pas suivi le « moule ».

Bonne nouvelle! Cela fait des décennies que la FGA fonctionne sur les principes de l’inclusion scolaire dans les matières scolarisantes : pas de classe de cheminement particulier ou de trouble du comportement, inclusion des élèves handicapés dans les parcours menant à une certification, horaire adapté, possibilité d’avancer à son rythme, classes multiniveaux… Bref, la FGA n’a rien à envier au secteur jeune et pourrait même lui en apprendre! Par contre, l’essoufflement se fait sentir. Les mesures adaptatives, la clientèle plus éloignée du marché de l’emploi, l’augmentation des élèves immigrants non scolarisés et les difficultés à gérer leur vie extrascolaire font en sorte que de donner un livre et un échéancier ne suffit plus pour les amener à atteindre la réussite.

Regardez votre classe. Regardez vos élèves. Est-ce seulement ceux qui ont des diagnostics qui bénéficieraient de plus de temps ou des outils technologiques? La majorité de vos adultes gère-t-elle mal leur stress et leur gestion du temps?  Comment offrir un environnement favorable pour tous, tout en étant équitable? C’est ce que la CUA nous permet de réaliser.

Appliquer à la pédagogie, la CUA vise à adopter une posture qui favorise un enseignement et un apprentissage équitable pour tous. Le principe de CUA peut paraître abstrait, mais appliqué en planification, il réduit les interventions correctionnelles et amène l’élève à se connaître comme apprenant et comme citoyen. Cela dit : la CUA ne tient pas compte des diagnostics et des mesures adaptatives, mais vise plutôt à offrir des choix pour tous : des options supplémentaires quant aux moyens par lesquels ils peuvent se représenter l’information, agir, s’exprimer, et s’engager dans leurs apprentissages. En contexte d’enseignement individualisé, comment rendre tout cela accessible?

UTILISER DIVERSES APPROCHES POUR EXPOSER DES CONTENUS  

Encore aujourd’hui, le livre est omniprésent dans nos classes. Le livre permet à l’élève d’aller à son rythme, de se corriger et aussi d’accéder à des savoirs. Depuis des années, il y a des débats sur l’utilité des manuels en FGA. Ce n’est pas ici que cette polémique sera traitée, mais il demeure pertinent de travailler à partir de leur contenu. Présentes dans plusieurs maisons d’édition, les versions numériques permettent d’utiliser des outils de synthèse vocale et permettent de structurer l’information à la guise de l’élève. D’ailleurs, nos élèves se doivent de s’approprier les compétences numériques pour le marché du travail. Il devient alors pertinent de travailler afin de comprendre comment utiliser les différents outils plutôt que d’en utiliser sans trop réfléchir.

Les centres FGA ont généralement accès à différentes maisons d’édition pour un même sigle. Elles présentent toutes des pour et des contre. Pourquoi ne pas travailler avec plusieurs d’entre elles au lieu que de s’en tenir qu’à une seule version? Ou encore, pourquoi ne pas présenter plusieurs contenus et lui laisser choisir? Plus l’élève sent qu’il a un mot à dire dans son processus d’apprentissage, plus il s’investit. D’ailleurs, l’apprenant d’aujourd’hui est en mode simultané. Le 21e siècle nous a amenés dans un monde d’ouverture où il devient beaucoup plus enrichissant de faire deux ou trois tâches parallèlement. Ainsi, l’adulte devient maître de ses connaissances et fait des liens entre les savoirs instinctivement. Laisser les adultes commencer des parties de chapitre, prendre une pause et faire autre chose est un principe simple, mais gagnant. Aussi, laisser l’adulte choisir l’ordre de ses situations d’apprentissage peut aussi l’engager dans sa tâche. Bien que déstabilisant au départ pour l’enseignant, il devient plus facile de cibler les forces et les défis de ses élèves.

De plus en plus d’enseignants se tournent vers les situations d’apprentissage (SA). Les sites de partage sont nombreux et les activités d’apprentissage, contrairement aux livres, répondent mieux aux besoins de l’adulte (temps et contenus) et aux attentes évaluatives. D’ailleurs, les SA sont souvent adaptables puisqu’elles sont présentées en format Word. L’enseignant peut alors remanier les informations : insérer des hyperliens pour approfondir la matière, présenter l’information sous forme de points (séquentiellement), choisir une police d’écriture accessible (Comic Sans MS, Century Gothic, 14 points), justifier le texte et changer les options d’interligne. Planifier ou construire du matériel accessible dès le départ reste utile non seulement pour les élèves présentant une difficulté en lecture et en écriture, mais chez l’ensemble de la clientèle.

Pour présenter du contenu, les capsules vidéos sont stimulantes et accessibles en classe et à la maison. Le site d’hébergement de vidéos YouTube met à la disposition de ses Internautes l’accessibilité à la transcription automatique. Même si le contenu n’est pas toujours parfait, l’écriture simultanée permet à l’adulte de soutenir sa compréhension du message. Ici, deux sens sont mis à profit. Dans le même sens, présenter un tableau statistique avec une description détaillée de ces données permet aux gens d’intégrer de la matière sous forme visuelle ou linguistique.   

SE METTRE EN ACTION ET S’EXPRIMER

La quasi entièreté des informations en FGA est réalisée en lecture. L’adulte, dans son manuel, essaie de bâtir sa compréhension d’un concept parfois simple en utilisant son intelligence linguistique. Or, ce n’est pas toujours la lecture ou même l’écriture qui sont évaluées! Le recours aux outils de synthèse vocale, de prédictions phonétiques, de suites bureautiques, de dictionnaires en ligne et visuels et de vérificateur d’orthographe sont des possibilités intéressantes qui impliquent l’adulte dans son processus d’acquisition de compétences. Martin Francoeur, conseiller Récit, allègue à juste titre : « Un raisonnement, ça se provoque. Un cahier, ça ne parle pas! » Pour raisonner, l’homme a besoin de discuter, d’être en conflit cognitif, d’argumenter, de se tromper. La rétroaction doit être la stratégie d’enseignement à prioriser, pas pour porter un jugement à propos de l’élève, mais afin de lui transmettre une information qui l’aide à s’améliorer dans l’accomplissement de sa tâche. Par ailleurs, la rétroaction ne doit pas être utile qu’en fin d’apprentissage; elle peut servir à planifier, à exécuter ou à corriger une démarche. Donnée par l’enseignant et par les pairs, elle amène l’élève à forger son esprit critique et à développer des stratégies métacognitives.

En classe, inciter l’élève à prendre des notes de cours informatisées lui permet de s’approprier les outils technologiques et de structurer sa pensée. Au Centre Saint-Michel, centre de formation générale pour adultes à Sherbrooke, tous les élèves inscrits en français doivent écrire un texte avec les logiciels d’aide pour chacun de leurs cours. Donner l’accès aux technologies à l’ensemble des élèves en cours d’apprentissage leur permet de travailler d’autres processus cognitifs et offre aux enseignants d’autres perspectives de rétroaction. Finalement, accompagner l’adulte à utiliser adéquatement les fonctions d’aide de son cellulaire (mettre ou désactiver une alerte, ajouter des rappels et des notes, utiliser son microphone, utiliser le mode avion, etc.) fait aussi partie du quotidien de certains enseignants. Enseigner la bonne utilisation de leur propres outils, les laisser s’exprimer et se mettre en action avec leur cellulaire, reste assurément une stratégie pédagogique gagnante visant à faire des apprenants experts, débrouillards et compétents. 

S’ENGAGER DE DIVERSES FAÇONS, ÊTRE UN APPRENANT ACTIF

Les principes de la CUA visent aussi à développer des stratégies cognitives et métacognitives. Plus l’élève est bien dans sa classe et dans son milieu, plus il s’investira physiquement et mentalement (Rousseau,2016). Il est facile, sans budget spécifique, de rendre sa classe plus accessible et accueillante. Prendre le temps d’accueillir ses apprenants et créer des îlots de travail permet de collaborer et de construire des compétences disciplinaires et transversales. Au travail comme à l’école, certains ont besoin de travailler assis, debout, isolés des autres ou dans le feu de l’action. Est-ce que beaucoup d’entre nous seraient en mesure d’être en modulaire pendant plus de 25 heures par semaine? Tout cela en étant en silence et assis sur une petite chaise orange? Se mettre à la place de nos élèves est un bon exercice d’humilité pour travailler cette troisième dimension CUA.

Pendant son « décrochage » ou dans son parcours de vie antérieure, l’adulte a acquis beaucoup de compétences extrascolaires. La reconnaissance de ses acquis construits dans la vie de tous les jours doit être prise en considération dans son retour aux études (Turmel, 2017). Questionner les élèves sur le code de vie, l’aménagement du local, les activités à prévoir sont des pistes intéressantes à explorer en contexte FGA. Les laisser être des adultes, les traiter en adultes, voilà des besoins identifiés lorsqu’on a questionné les élèves de la FGA à Sherbrooke lors de la révision du projet éducatif.

Promouvoir les bons coups, les attitudes gagnantes, la persévérance et la motivation  constitue des principes de pédagogie positive bons tant au secteur des jeunes qu’au secteur des adultes. Instaurer des débats mathématiques, utiliser le jeu comme amorce de l’apprentissage, enseigner dehors, collaborer avec un organisme ou un professionnel de votre centre, autant de moyens simples d’impliquer les élèves en tant que citoyens-apprenants actifs. L’élève n’est pas seulement dans ma classe, il est dans mon centre! Considérant cette affirmation, les enseignants sont conscients de l’impact qu’ils ont sur chacun des élèves qui s’inscrit en FGA.

ÉLIMINER LES OBSTACLES

Regardez votre classe. Regardez vos élèves. Sans vous en rendre compte, vous êtes probablement un enseignant CUA. Faire tomber les murs, dépasser les limites, c’est pourquoi vous êtes avec eux jour après jour. La CUA est faite pour vous donner encore plus de POUVOIR dans vos actions pédagogiques et encore plus de plaisir à accompagner les élèves.

 

Astuces CUA en contexte individualisé

Pensez CUA, un pas à la fois!

Rien ne vous oblige à transformer vos pratiques d’enseignement du jour au lendemain! Si cela se trouve, plusieurs actions que vous posez déjà respectent tout à fait l’esprit de la CUA. Prenez le temps de bien cibler vos besoins et de déterminer ce que vous aimeriez diversifier en premier. Surtout, n’hésitez pas à en parler à vos collègues; eux aussi sont sûrement remplis d’idées CUA! 

Variez vos méthodes en classe!

Pour chaque activité prévue, proposez des consignes détaillées, des exemples de travaux, des outils structurés pour la prise de notes, des supports audiovisuels, etc. N’hésitez pas à prévoir différents rythmes de travail ou un enseignement magistral intercalé avec des activités et des pauses cognitives.

Variez vos contenus en ligne!

Proposez vos notes de cours non seulement en format Word ou PowerPoint, mais également en  PDF, afin de permettre la synthèse vocale. Prenez le temps d’élaborer un guide d’étude indiquant les sujets importants et les concepts clés ainsi que des modules d’apprentissage pour structurer et séquencer les contenus. 

Suscitez l’engagement!

Utilisez des approches incitant à la découverte, à l’analyse et à l’action. Ciblez des activités qui impliquent l’élève activement dans la construction de ses connaissances, qui favorisent la différenciation pédagogique et permettent la discussion entre pairs (en classe ou en ligne).

Favorisez l’autorégulation!

Donnez le temps à l’élève de remplir des questionnaires d’autoévaluation afin qu’il puisse juger au mieux de ses connaissances et de ses besoins. S’il reste important d’offrir plusieurs options selon les capacités de chacun, vos rétroactions doivent être fréquentes et diversifiées.

Variez la nature des évaluations!

Peu importe la matière que vous enseignez, prenez le temps de mettre en place, outre l’examen final, différentes formes d’évaluation (situation d’apprentissage, tâche complexe, exposé oral, rapport écrit, questionnaire, etc.), et ce, de façon continue. 

Aménagez votre classe autrement!

Pourquoi ne pas mettre en place différentes stations permettant à l’élève de progresser à son rythme ou de choisir les notions sur lesquelles il aimerait travailler? Aménager différents espaces de travail (pupitres, tables où travailler debout, coussins pour s’asseoir au sol, etc.), il reste d’autres idées à explorer. 

 

 

Ressources créées par :

• Karine Jacques, orthopédagogue pour l’accompagnement national des Services éducatifs complémentaires en FGA-FP (courriel, site Web)

Remerciements particuliers :

• Marie-Ève Ste-Croix, conseillère pédagonumérique RÉCIT FGA (courriel, twitter, site Web)

Si vous souhaitez plus d’informations sur ces ressources ou si vous souhaitez ajouter quelque chose à cette céramique, veuillez contacter l’un des conseillers mentionnés ci-dessus. Toutes les ressources doivent être réutilisées et partagées conformément à la licence Creative Commons suivante : CC BY-NC-SA 4.0